Histoire

10-Dispute_au_travail_hist_voix-masc.mp3: Audio automatically transcribed by Sonix

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Dispute au travail

“Bon assieds-toi et raconte-moi tout. Qu’est-ce qui s’est passĂ© ? T’avais l’air sur les nerfs au tĂ©lĂ©phone ?” Caroline tire une chaise vers son bureau pour laisser sa jeune sƓur s’y installer. Emma l’a appelĂ©e une demi-heure plus tĂŽt suite Ă  une dispute avec un de ses collĂšgues et elle avait l’air d’avoir besoin de vider son sac. Caroline lui a donc proposĂ© de passer Ă  son bureau pendant sa pause dĂ©jeuner. Elles pourraient manger un bout ensemble et avoir une bonne conversation Ă  cƓur ouvert pour qu’Emma se sente mieux en repartant.

Les deux sƓurs ne travaillent pas du tout dans le mĂȘme domaine professionnel, ne sont pas de la mĂȘme gĂ©nĂ©ration et ont souvent une Ă©thique de travail qui diverge. Les parents de Caroline se sont sĂ©parĂ©s lorsqu’elle Ă©tait adolescente et sa mĂšre s’était remariĂ©e avec le pĂšre d’Emma qui n’était alors qu’une petite fille de trois ans. Leur diffĂ©rence d’ñge les avait paradoxalement toujours rapprochĂ©es. Et c’est toujours l’une vers l’autre qu’elles allaient en cas de doute. En se concertant elles arrivent toujours Ă  trouver des solutions face Ă  leurs problĂšmes. Il leur faut parfois hausser la voix, mais elles en retirent toujours une conclusion positive. Presque thĂ©rapeutique.

Aujourd’hui, Emma est arrivĂ©e remontĂ©e au bureau de sa sƓur, prĂȘte Ă  tout lui expliquer.

“- Ça a commencĂ© lundi dernier. Je devais faire passer un entretien d’embauche Ă  un gars. Ça fait un an que je suis responsable des admissions de la boĂźte, on est deux Ă  nous en occuper. Moi et une autre collĂšgue qui les prend en charge quand vraiment je n’ai pas le temps ou que je suis dĂ©bordĂ©e. Mais, d’habitude, c’est toujours moi. Donc des entretiens j’en ai fait passer un paquet, j’ai compris comment ça marchait, et il n’y a jamais eu de problĂšme avec les gens que j’ai recrutĂ©s jusqu’ici.

Bref. On avait une place vacante depuis quelques mois et aucun candidat qu’on avait ne correspondait au descriptif du poste. Donc on a mis du temps Ă  convoquer des gens. Au final, on a dĂ» trouver deux ou trois personnes qui correspondaient vite fait, mais c’était presque par dĂ©faut.

Et puis, sortie de nulle part, on a reçu la candidature d’un gars qui Ă©tait parfait. Il correspondait exactement Ă  ce qu’on recherchait. Il Ă©tait qualifiĂ©, avec une expĂ©rience Ă  l’étranger, pas grand-chose en France, mais il Ă©tait dispo tout de suite. Donc je l’ai convoquĂ© et il s’est prĂ©sentĂ© Ă  l’entreprise quelques jours plus tard. Mais, entre-temps, y’a mon collĂšgue Xavier qui n’arrĂȘtait pas de me mettre la pression. Il me disait que le gars que j’avais choisi n’était pas qualifiĂ©, que je faisais perdre du temps Ă  tout le monde en le recevant, qu’on Ă©tait dans la galĂšre Ă  cause du poste vacant


- Oui mais ça c’est pas ta faute, si ? T’y Ă©tais pour rien si vous n’aviez pas de bons candidats ? Ce gars, Xavier, c’était pas lui qui voulait passer responsable des admissions aussi ?

- Si, c’est lui
 Et depuis que c’est moi qui ai eu le poste, il n’a pas arrĂȘtĂ© d’ĂȘtre infecte avec moi. Je sais pas s’il se venge ou quoi, mais c’est une vraie plaie
 Bref ! C’est pas terminĂ©. Donc le gars est venu pour l’entretien, et ça s’est super bien passĂ©. Il a Ă©tĂ© agrĂ©able et pro. Il cochait toutes les cases, vraiment, donc j’étais super emballĂ©e. Le seul problĂšme, c’est qu’il habitait un peu loin, et comme on a dĂ©jĂ  eu des problĂšmes de ponctualitĂ© avec d’autres employĂ©s, ça m’a un peu refroidi.

- Mais je croyais que vous aviez pas mal de gens qui bossaient en tĂ©lĂ©travail ? MĂȘme toi tu le faisais parfois quand t’allais bosser au chalet de Papa, non ?

- Oui, t’as raison ! Et j’y ai pensĂ© pendant l’entretien. Donc je lui ai dit que c’était une possibilitĂ© et que si on le choisissait et s’il passait sa pĂ©riode d’essai on pourrait Ă©ventuellement lui proposer. Je me suis pas trop mouillĂ©e, mais je voulais juste l’informer des amĂ©nagements qu’on pouvait mettre en place avec la boĂźte.

- Bon mais c’était quoi son problĂšme Ă  Xavier alors ? Jusqu’ici j’ai l’impression que t’avais trouvĂ© la perle rare, c’est pas ça qu’il voulait ?

- J’y viens. DĂšs que le candidat est parti, j’ai fait un mail Ă  l’équipe et Ă  la direction pour leur dire que je pensais le recruter. J’ai inclus mes notes de l’entretien et son CV. HonnĂȘtement, j’ai partagĂ© le mail avec le reste de l’équipe juste par courtoisie parce que j’aurais pu juste l’envoyer Ă  la direction et c’était terminĂ©. Mais bon, d’habitude on fonctionne super bien en Ă©quipe, donc ça me paraissait logique de les inclure Ă  la discussion. Si j’avais su


- Houla. Qu’est-ce qui s’est passĂ© ?

- Une demi-heure aprĂšs ou quelque chose comme ça, Xavier avait rĂ©pondu au mail groupĂ©. Il avait Ă©crit un pavĂ©, je te raconte mĂȘme pas, en expliquant qu’il Ă©tait hors de question que ce candidat rejoigne l’équipe. Qu’il Ă©tait trop jeune et pas assez expĂ©rimentĂ©, que c’était un poste avec trop de responsabilitĂ©s pour lui et je sais pas quoi
 Bref, il Ă©tait juste furieux et il a terminĂ© le mail en disant que j’avais fait du mauvais boulot.

- Oh. Ok, c’était assez agressif comme façon de rĂ©agir. Mais, est-ce que c’était vrai ? Est-ce que le candidat manquait vraiment d’expĂ©rience pour ce poste en particulier ? Est-ce que ça aurait pu ĂȘtre un problĂšme ?

- Ben oui, il manquait d’expĂ©rience. Jusqu’ici il bossait dans une petite boĂźte qui a dĂ» fermer, mais il n’y Ă©tait pour rien. Et, entre-temps il a suivi pas mal de formations pendant sa recherche d’emploi pour continuer Ă  ĂȘtre au niveau. Il a su montrer qu’il Ă©tait rĂ©actif et franchement j'Ă©tais assez impressionnĂ©e par les entreprises dans lesquelles il a fait ses stages Ă  l’étranger. Je sais bien que c’était pas des emplois Ă  proprement parler, mais ça reste du boulot.

- Bien sĂ»r, mais on peut comprendre que tes collĂšgues soient un peu frileux Ă  l’idĂ©e d’accueillir dans leur Ă©quipe quelqu’un de si peu expĂ©rimentĂ©. J’imagine qu’ils avaient espĂ©rĂ© autre chose.

- Mais les autres ils ont rien dit ! C’est juste Xavier qui a dĂ©cidĂ© de m’embĂȘter et de bloquer ma dĂ©cision. Il est passĂ© derriĂšre mon dos, et c’était vraiment sournois comme façon de faire. Franchement si on ne m’avait pas donnĂ© ma chance il y a six ans, je n’aurais pas obtenu ce poste aujourd’hui. Moi non plus j’avais pas d’expĂ©rience, mais on m’a laissĂ© une chance et je m’en suis trĂšs bien sortie ! J’avais envie de lui donner l’occasion de montrer ce qu’il savait faire. HonnĂȘtement tu penses pas que c’était un peu personnel et puĂ©ril comme attaque ?

- Oui et non. Y’avait sĂ»rement une rancƓur et une rivalitĂ© personnelles. Mais, d’un autre cĂŽtĂ©, mets-toi Ă  la place d’un collĂšgue qui n’a peut-ĂȘtre pas envie de perdre du temps Ă  former un jeune nouveau qui ne fera peut-ĂȘtre pas l’affaire. Tu vois ce que je veux dire ? Il Ă©tait peut-ĂȘtre vraiment inquiet.

- Il avait pas l’air. Surtout qu’aprĂšs avoir reçu le mail, je suis allĂ©e le voir directement pour en parler avec lui et comprendre de quoi il parlait. J’ai peut-ĂȘtre pas Ă©tĂ© trĂšs sympa, j’avoue, parce que le ton est montĂ© assez vite. Tellement vite que ma directrice est venue nous voir tout de suite.

Elle nous a pris dans son bureau et on s’est un peu fait remonter les bretelles. Je me sentais comme une gamine qui avait fait une bĂȘtise. Elle a dit qu’on n’était pas pros, qu’on n’avait pas Ă  utiliser les mails ou les bureaux pour nous disputer devant tout le monde. Et, au fond, je sais qu’elle n’avait pas tort, bien sĂ»r. Mais, j’étais tellement fĂąchĂ©e contre Xavier que j’avais du mal Ă  penser clairement.

- Bon, mais est-ce qu’elle a tranchĂ© finalement ?

- Oui, on en a discutĂ© tous les trois et on s’est accordĂ©s pour dire que mon candidat correspondait Ă  ce qu’on cherchait, qu’il nous fallait quelqu’un tout de suite, et que s’il ne nous convenait pas on pouvait garder les CV des autres candidats sous le coude, au cas oĂč.

- Ok, donc vous avez trouvĂ© un terrain d’entente ? Elle a su vous mettre d’accord et tout le monde y gagne non ? Mais, ça c’était lundi, il s’est passĂ© quoi depuis pour que tu sois toujours aussi Ă  fleur de peau aujourd’hui ? Tu ne tiens pas en place.

- Ce matin, quand je suis arrivĂ©e au bureau, j’ai vu que l’autre collĂšgue chargĂ©e des admissions Ă©tait avec une candidate en salle de rĂ©union. Et, je me souvenais pas avoir vu passer quelque part qu’on faisait passer des entretiens aujourd’hui. Donc j’ai trouvĂ© ça un peu bizarre, mais j’avais des choses Ă  faire et ça m’est un peu sorti de la tĂȘte. AprĂšs une heure ou deux, ou quelque chose comme ça, elle m’a envoyĂ© un mail pour me dire que la candidate qu’elle avait reçue correspondrait bien au poste vacant dont je m’occupais. Et, j’étais un peu perdue. Je ne comprenais pas trop de quoi elle parlait, donc je suis allĂ©e la voir pour lui expliquer qu’on avait dĂ©jĂ  pourvu le poste et que les entretiens Ă©taient donc terminĂ©s.

Et lĂ  ! Elle Ă©tait tout aussi perdue que moi, et elle m’a montrĂ© un mail de Xavier qui lui demandait de recevoir de nouveaux candidats parce qu’on s’était mis d’accord et que mon candidat n’allait pas le faire.

- Oh. SĂ©rieusement ? Mais, il pensait qu’il allait se passer quoi ? Que personne n’allait remarquer que quelque chose clochait ? Tu devais ĂȘtre folle
 Il est gonflĂ©.

- Oui, hein ? Ça m’a mise hors de moi. Mais, cette fois-ci, j’avais pas envie de perdre mon sang-froid et de crĂ©er un nouveau scandale. En plus, Xavier n’était pas mĂȘme lĂ  aujourd’hui, c’est pratique. Alors j’ai expliquĂ© la situation Ă  ma collĂšgue. Je lui ai demandĂ© de s’excuser auprĂšs de la candidate qu’elle avait reçue et je suis retournĂ©e Ă  mon bureau. En prenant sur moi, j’ai envoyĂ© un mail Ă  la direction pour expliquer la situation, en essayant d’ĂȘtre le plus calme possible. Mais franchement je ne pouvais pas laisser passer ça. Ensuite j’ai envoyĂ© un mail un peu moins sympa Ă  Xavier pour lui faire savoir que j’avais deux mots Ă  lui dire lundi matin. Il ne manque pas d’air, vraiment. Et, je t’ai appelĂ©e directement.

- Eh ben
 MĂȘme s’il avait peut-ĂȘtre ses raisons de ne pas ĂȘtre en faveur de ce candidat, c'est clair qu’il est allĂ© trop loin. T’as bien fait de contacter la direction immĂ©diatement, t’as pas eu de rĂ©ponse encore ?

- Non, je vais voir en retournant au bureau tout à l’heure. Je vais pas tarder d’ailleurs.

- Ça t’a fait du bien de sortir tout ça ? Tu vois pour une fois j’étais plutĂŽt d’accord avec toi !

- Oui ça change, hein ? Mais, merci de m’avoir Ă©coutĂ©e, j’avais besoin d'une oreille attentive et d’un avis extĂ©rieur. Je suis contente de voir que je ne suis pas folle et qu’il a dĂ©passĂ© les bornes. Je file, du coup, je te raconterai comment ça s’est passĂ© ! Merci pour tout comme d’habitude.”

Emma embrasse sa sƓur et quitte son bureau. Elle a l’esprit plus lĂ©ger et se sent finalement d’attaque pour retourner au travail. Caroline, elle, fĂ©licite intĂ©rieurement sa petite sƓur de s’ĂȘtre imposĂ©e et d’avoir rĂ©ussi Ă  gĂ©rer d’une main de maĂźtre une situation dĂ©licate. Emma a toujours eu du caractĂšre, et elle ne se laisse pas marcher sur les pieds. Caroline ne peut pas s’empĂȘcher de penser au pauvre Xavier qui devra faire face Ă  la colĂšre de sa petite sƓur en retournant au bureau. Elle n’aimerait pas ĂȘtre Ă  sa place


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Dispute au travail

“Bon assieds-toi et raconte-moi tout. Qu’est-ce qui s’est passĂ© ? T’avais l’air sur les nerfs au tĂ©lĂ©phone ?” Caroline tire une chaise vers son bureau pour laisser sa jeune sƓur s’y installer. Emma l’a appelĂ©e une demi-heure plus tĂŽt suite Ă  une dispute avec un de ses collĂšgues et elle avait l’air d’avoir besoin de vider son sac. Caroline lui a donc proposĂ© de passer Ă  son bureau pendant sa pause dĂ©jeuner. Elles pourraient manger un bout ensemble et avoir une bonne conversation Ă  cƓur ouvert pour qu’Emma se sente mieux en repartant.

Les deux sƓurs ne travaillent pas du tout dans le mĂȘme domaine professionnel, ne sont pas de la mĂȘme gĂ©nĂ©ration et ont souvent une Ă©thique de travail qui diverge. Les parents de Caroline se sont sĂ©parĂ©s lorsqu’elle Ă©tait adolescente et sa mĂšre s’était remariĂ©e avec le pĂšre d’Emma qui n’était alors qu’une petite fille de trois ans. Leur diffĂ©rence d’ñge les avait paradoxalement toujours rapprochĂ©es. Et c’est toujours l’une vers l’autre qu’elles allaient en cas de doute. En se concertant elles arrivent toujours Ă  trouver des solutions face Ă  leurs problĂšmes. Il leur faut parfois hausser la voix, mais elles en retirent toujours une conclusion positive. Presque thĂ©rapeutique.

Aujourd’hui, Emma est arrivĂ©e remontĂ©e au bureau de sa sƓur, prĂȘte Ă  tout lui expliquer.

“- Ça a commencĂ© lundi dernier. Je devais faire passer un entretien d’embauche Ă  un gars. Ça fait un an que je suis responsable des admissions de la boĂźte, on est deux Ă  nous en occuper. Moi et une autre collĂšgue qui les prend en charge quand vraiment je n’ai pas le temps ou que je suis dĂ©bordĂ©e. Mais, d’habitude, c’est toujours moi. Donc des entretiens j’en ai fait passer un paquet, j’ai compris comment ça marchait, et il n’y a jamais eu de problĂšme avec les gens que j’ai recrutĂ©s jusqu’ici.

Bref. On avait une place vacante depuis quelques mois et aucun candidat qu’on avait ne correspondait au descriptif du poste. Donc on a mis du temps Ă  convoquer des gens. Au final, on a dĂ» trouver deux ou trois personnes qui correspondaient vite fait, mais c’était presque par dĂ©faut.

Et puis, sortie de nulle part, on a reçu la candidature d’un gars qui Ă©tait parfait. Il correspondait exactement Ă  ce qu’on recherchait. Il Ă©tait qualifiĂ©, avec une expĂ©rience Ă  l’étranger, pas grand-chose en France, mais il Ă©tait dispo tout de suite. Donc je l’ai convoquĂ© et il s’est prĂ©sentĂ© Ă  l’entreprise quelques jours plus tard. Mais, entre-temps, y’a mon collĂšgue Xavier qui n’arrĂȘtait pas de me mettre la pression. Il me disait que le gars que j’avais choisi n’était pas qualifiĂ©, que je faisais perdre du temps Ă  tout le monde en le recevant, qu’on Ă©tait dans la galĂšre Ă  cause du poste vacant


- Oui mais ça c’est pas ta faute, si ? T’y Ă©tais pour rien si vous n’aviez pas de bons candidats ? Ce gars, Xavier, c’était pas lui qui voulait passer responsable des admissions aussi ?

- Si, c’est lui
 Et depuis que c’est moi qui ai eu le poste, il n’a pas arrĂȘtĂ© d’ĂȘtre infecte avec moi. Je sais pas s’il se venge ou quoi, mais c’est une vraie plaie
 Bref ! C’est pas terminĂ©. Donc le gars est venu pour l’entretien, et ça s’est super bien passĂ©. Il a Ă©tĂ© agrĂ©able et pro. Il cochait toutes les cases, vraiment, donc j’étais super emballĂ©e. Le seul problĂšme, c’est qu’il habitait un peu loin, et comme on a dĂ©jĂ  eu des problĂšmes de ponctualitĂ© avec d’autres employĂ©s, ça m’a un peu refroidi.

- Mais je croyais que vous aviez pas mal de gens qui bossaient en tĂ©lĂ©travail ? MĂȘme toi tu le faisais parfois quand t’allais bosser au chalet de Papa, non ?

- Oui, t’as raison ! Et j’y ai pensĂ© pendant l’entretien. Donc je lui ai dit que c’était une possibilitĂ© et que si on le choisissait et s’il passait sa pĂ©riode d’essai on pourrait Ă©ventuellement lui proposer. Je me suis pas trop mouillĂ©e, mais je voulais juste l’informer des amĂ©nagements qu’on pouvait mettre en place avec la boĂźte.

- Bon mais c’était quoi son problĂšme Ă  Xavier alors ? Jusqu’ici j’ai l’impression que t’avais trouvĂ© la perle rare, c’est pas ça qu’il voulait ?

- J’y viens. DĂšs que le candidat est parti, j’ai fait un mail Ă  l’équipe et Ă  la direction pour leur dire que je pensais le recruter. J’ai inclus mes notes de l’entretien et son CV. HonnĂȘtement, j’ai partagĂ© le mail avec le reste de l’équipe juste par courtoisie parce que j’aurais pu juste l’envoyer Ă  la direction et c’était terminĂ©. Mais bon, d’habitude on fonctionne super bien en Ă©quipe, donc ça me paraissait logique de les inclure Ă  la discussion. Si j’avais su


- Houla. Qu’est-ce qui s’est passĂ© ?

- Une demi-heure aprĂšs ou quelque chose comme ça, Xavier avait rĂ©pondu au mail groupĂ©. Il avait Ă©crit un pavĂ©, je te raconte mĂȘme pas, en expliquant qu’il Ă©tait hors de question que ce candidat rejoigne l’équipe. Qu’il Ă©tait trop jeune et pas assez expĂ©rimentĂ©, que c’était un poste avec trop de responsabilitĂ©s pour lui et je sais pas quoi
 Bref, il Ă©tait juste furieux et il a terminĂ© le mail en disant que j’avais fait du mauvais boulot.

- Oh. Ok, c’était assez agressif comme façon de rĂ©agir. Mais, est-ce que c’était vrai ? Est-ce que le candidat manquait vraiment d’expĂ©rience pour ce poste en particulier ? Est-ce que ça aurait pu ĂȘtre un problĂšme ?

- Ben oui, il manquait d’expĂ©rience. Jusqu’ici il bossait dans une petite boĂźte qui a dĂ» fermer, mais il n’y Ă©tait pour rien. Et, entre-temps il a suivi pas mal de formations pendant sa recherche d’emploi pour continuer Ă  ĂȘtre au niveau. Il a su montrer qu’il Ă©tait rĂ©actif et franchement j'Ă©tais assez impressionnĂ©e par les entreprises dans lesquelles il a fait ses stages Ă  l’étranger. Je sais bien que c’était pas des emplois Ă  proprement parler, mais ça reste du boulot.

- Bien sĂ»r, mais on peut comprendre que tes collĂšgues soient un peu frileux Ă  l’idĂ©e d’accueillir dans leur Ă©quipe quelqu’un de si peu expĂ©rimentĂ©. J’imagine qu’ils avaient espĂ©rĂ© autre chose.

- Mais les autres ils ont rien dit ! C’est juste Xavier qui a dĂ©cidĂ© de m’embĂȘter et de bloquer ma dĂ©cision. Il est passĂ© derriĂšre mon dos, et c’était vraiment sournois comme façon de faire. Franchement si on ne m’avait pas donnĂ© ma chance il y a six ans, je n’aurais pas obtenu ce poste aujourd’hui. Moi non plus j’avais pas d’expĂ©rience, mais on m’a laissĂ© une chance et je m’en suis trĂšs bien sortie ! J’avais envie de lui donner l’occasion de montrer ce qu’il savait faire. HonnĂȘtement tu penses pas que c’était un peu personnel et puĂ©ril comme attaque ?

- Oui et non. Y’avait sĂ»rement une rancƓur et une rivalitĂ© personnelles. Mais, d’un autre cĂŽtĂ©, mets-toi Ă  la place d’un collĂšgue qui n’a peut-ĂȘtre pas envie de perdre du temps Ă  former un jeune nouveau qui ne fera peut-ĂȘtre pas l’affaire. Tu vois ce que je veux dire ? Il Ă©tait peut-ĂȘtre vraiment inquiet.

- Il avait pas l’air. Surtout qu’aprĂšs avoir reçu le mail, je suis allĂ©e le voir directement pour en parler avec lui et comprendre de quoi il parlait. J’ai peut-ĂȘtre pas Ă©tĂ© trĂšs sympa, j’avoue, parce que le ton est montĂ© assez vite. Tellement vite que ma directrice est venue nous voir tout de suite.

Elle nous a pris dans son bureau et on s’est un peu fait remonter les bretelles. Je me sentais comme une gamine qui avait fait une bĂȘtise. Elle a dit qu’on n’était pas pros, qu’on n’avait pas Ă  utiliser les mails ou les bureaux pour nous disputer devant tout le monde. Et, au fond, je sais qu’elle n’avait pas tort, bien sĂ»r. Mais, j’étais tellement fĂąchĂ©e contre Xavier que j’avais du mal Ă  penser clairement.

- Bon, mais est-ce qu’elle a tranchĂ© finalement ?

- Oui, on en a discutĂ© tous les trois et on s’est accordĂ©s pour dire que mon candidat correspondait Ă  ce qu’on cherchait, qu’il nous fallait quelqu’un tout de suite, et que s’il ne nous convenait pas on pouvait garder les CV des autres candidats sous le coude, au cas oĂč.

- Ok, donc vous avez trouvĂ© un terrain d’entente ? Elle a su vous mettre d’accord et tout le monde y gagne non ? Mais, ça c’était lundi, il s’est passĂ© quoi depuis pour que tu sois toujours aussi Ă  fleur de peau aujourd’hui ? Tu ne tiens pas en place.

- Ce matin, quand je suis arrivĂ©e au bureau, j’ai vu que l’autre collĂšgue chargĂ©e des admissions Ă©tait avec une candidate en salle de rĂ©union. Et, je me souvenais pas avoir vu passer quelque part qu’on faisait passer des entretiens aujourd’hui. Donc j’ai trouvĂ© ça un peu bizarre, mais j’avais des choses Ă  faire et ça m’est un peu sorti de la tĂȘte. AprĂšs une heure ou deux, ou quelque chose comme ça, elle m’a envoyĂ© un mail pour me dire que la candidate qu’elle avait reçue correspondrait bien au poste vacant dont je m’occupais. Et, j’étais un peu perdue. Je ne comprenais pas trop de quoi elle parlait, donc je suis allĂ©e la voir pour lui expliquer qu’on avait dĂ©jĂ  pourvu le poste et que les entretiens Ă©taient donc terminĂ©s.

Et lĂ  ! Elle Ă©tait tout aussi perdue que moi, et elle m’a montrĂ© un mail de Xavier qui lui demandait de recevoir de nouveaux candidats parce qu’on s’était mis d’accord et que mon candidat n’allait pas le faire.

- Oh. SĂ©rieusement ? Mais, il pensait qu’il allait se passer quoi ? Que personne n’allait remarquer que quelque chose clochait ? Tu devais ĂȘtre folle
 Il est gonflĂ©.

- Oui, hein ? Ça m’a mise hors de moi. Mais, cette fois-ci, j’avais pas envie de perdre mon sang-froid et de crĂ©er un nouveau scandale. En plus, Xavier n’était pas mĂȘme lĂ  aujourd’hui, c’est pratique. Alors j’ai expliquĂ© la situation Ă  ma collĂšgue. Je lui ai demandĂ© de s’excuser auprĂšs de la candidate qu’elle avait reçue et je suis retournĂ©e Ă  mon bureau. En prenant sur moi, j’ai envoyĂ© un mail Ă  la direction pour expliquer la situation, en essayant d’ĂȘtre le plus calme possible. Mais franchement je ne pouvais pas laisser passer ça. Ensuite j’ai envoyĂ© un mail un peu moins sympa Ă  Xavier pour lui faire savoir que j’avais deux mots Ă  lui dire lundi matin. Il ne manque pas d’air, vraiment. Et, je t’ai appelĂ©e directement.

- Eh ben
 MĂȘme s’il avait peut-ĂȘtre ses raisons de ne pas ĂȘtre en faveur de ce candidat, c'est clair qu’il est allĂ© trop loin. T’as bien fait de contacter la direction immĂ©diatement, t’as pas eu de rĂ©ponse encore ?

- Non, je vais voir en retournant au bureau tout à l’heure. Je vais pas tarder d’ailleurs.

- Ça t’a fait du bien de sortir tout ça ? Tu vois pour une fois j’étais plutĂŽt d’accord avec toi !

- Oui ça change, hein ? Mais, merci de m’avoir Ă©coutĂ©e, j’avais besoin d'une oreille attentive et d’un avis extĂ©rieur. Je suis contente de voir que je ne suis pas folle et qu’il a dĂ©passĂ© les bornes. Je file, du coup, je te raconterai comment ça s’est passĂ© ! Merci pour tout comme d’habitude.”

Emma embrasse sa sƓur et quitte son bureau. Elle a l’esprit plus lĂ©ger et se sent finalement d’attaque pour retourner au travail. Caroline, elle, fĂ©licite intĂ©rieurement sa petite sƓur de s’ĂȘtre imposĂ©e et d’avoir rĂ©ussi Ă  gĂ©rer d’une main de maĂźtre une situation dĂ©licate. Emma a toujours eu du caractĂšre, et elle ne se laisse pas marcher sur les pieds. Caroline ne peut pas s’empĂȘcher de penser au pauvre Xavier qui devra faire face Ă  la colĂšre de sa petite sƓur en retournant au bureau. Elle n’aimerait pas ĂȘtre Ă  sa place


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